"Evaluer [les] conditions d’attribution et de suivi [de l'allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH)] ainsi que la qualité du service rendu aux usagers" constituait l’objectif d'une mission confiée à l’IGAS, fin 2015, dans un contexte de croissance du nombre d’enfants porteurs de handicap et de renforcement de leur visibilité institutionnelle. Un contexte qui, d'ailleurs, fait dire à l'inspection dans son rapport, remis en juillet 2006 mais rendu public seulement le 19 octobre 2017, que l'AEEH est une "prestation en plein essor",
Versée sans condition de ressources, rappelons que celle-ci aide les familles à faire face aux frais d’éducation et de soins entraînés par le handicap d’un enfant à charge de moins de 20 ans. Et qu'elle peut être complétée en fonction des dépenses liées au handicap, de la réduction ou cessation d’une activité professionnelle de l’un des parents ou de l’embauche d’un tiers.
Dans son rapport, l'IGAS estime que, si le système actuel de l’AEEH présente de "grands avantages" (facilité d’accès, souplesse de gestion, couverture d’une très grande diversité de dépenses), il recouvre aussi des "imperfections". Ces dernières tiennent "moins à la nature de l’AEEH qu’aux pratiques d’évaluation des situations et d’attribution des compléments et qu’aux difficultés observées pour articuler le service avec les autres prestations", telles que la prestation de compensation du handicap (PCH). La mission propose donc des "pistes d’amélioration de la réponse apportée aux familles". Retour sur quelques-unes d’entre elles.
Des inconvénients multiples
Selon l’IGAS, la "logique de personnalisation de la réponse au besoin n’est pas aussi aboutie que pourraient l’attendre les usagers" en raison de la complexité de l’AEEH. L’inspection observe, en effet, que l’allocation est "difficile à appréhender pour les familles" (conditions d’attribution, calcul des montants des compléments qui y sont éventuellement associés). Autre constat : l’information et l’accompagnement des familles sont "insuffisants", alors même que la réglementation prévoit des modalités d’information et des possibilités de dialogue avec la MDPH à toutes les étapes de la procédure. La complexité de l’AEEH est renforcée par celle du paysage des allocations connexes dans lequel elle s’inscrit, ajoute la mission. Cette dernière prend l’exemple de la PCH qui, de prime abord, constitue une "alternative intéressante" à l’AEEH et ses compléments, mais qui demeure "limitée" en raison, notamment, des contraintes liées à l’éligibilité.
La mission de l’IGAS constate, dans un second temps, qu’il existe des "risques d’inégalités [territoriales] accrus" en raison de la diversité des modes de traitement des demandes d’AEEH. L’IGAS constate en effet une hétérogénéité des pratiques dans l’évaluation des besoins des familles qui tient à la variabilité :
• des caractéristiques de fonctionnement des équipes pluridisciplinaires d’évaluation ;
• "des lectures du droit" des maisons départementales pour personnes handicapées (MDPH), qui organisent l’évaluation des besoins "de manière autonome".
L’IGAS note qu’il peut exister des inégalités de traitement au sein d’une même MDPH, dues à un "manque de procédures et d’outils standardisés".
Enfin, l’inspection observe un pilotage éclaté du dispositif, avec pour conséquence "des incohérences de gestion et une perte de connaissance statistique". Selon elle, le manque de données sur les prévalences et les caractéristiques des handicaps éligibles à l’AEEH ne permet "ni de documenter les modes de prise en charge afin de produire des référentiels susceptibles de réduire les inégalités qu’ils induisent, ni d’anticiper les flux de demandes à venir en vue d’adapter le dispositif".
Des évolutions à court et moyen termes
La mission propose de mettre en place un recueil de données permettant d’avoir une meilleure connaissances des bénéficiaires de l’AEEH. Objectif : "piloter plus efficacement la politique d’attribution de l’allocation", via l’anticipation des besoins et l’adaptation et le suivi des prises en charge. A ce titre, elle encourage la poursuite du processus d’harmonisation et de coordination des systèmes d’information des MDPH ainsi que la remontée des informations vers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
La mission souligne, en outre, que l’AEEH est de plus en plus utilisée pour financer les prises en charge non médicales des troubles du spectre autistique et des troubles spécifiques des apprentissages. La mission estime donc opportun de saisir la Haute Autorité de santé et l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, afin d’analyser la "dimension sanitaire des troubles spécifiques des apprentissages et définir, le cas échéant, des bonnes pratiques de prise en charge".
Elle juge, par ailleurs, nécessaire de veiller à l’amélioration du service des prestations "à toutes les étapes de la procédure", en renforçant l’accompagnement et l’information des familles à chaque étape de leur parcours. Elle recommande ainsi d’améliorer l’information des allocataires potentiels, notamment par le biais d’interface internet, et de donner une information aux familles sur les interlocuteurs susceptibles de les accompagner pendant la procédure de demande de l’AEEH.
Afin de réduire les inégalités territoriales, l’IGAS propose de mettre en place, au niveau national, des procédures permettant d’assurer une plus grande homogénéité dans les traitements des dossiers (fonctionnement harmonisé de l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation, information des usagers sur leurs droits...). Autres recommandations : harmoniser les pratiques d’attribution des compléments en s’appuyant sur un inventaire et une analyse des cas et favoriser les retours d’expériences entre les équipes pluridisciplinaires d’évaluation.
Des chantiers plus vastes
Enfin, la mission de l'IGAS prône une "remise à plat de l’ensemble du système de compensation des dépenses dues au handicap de l’enfant" et envisage aussi des améliorations sur le long terme. Elle avance trois pistes en ce sens, parmi lesquelles :
- une révision de l’architecture de l’AEEH, en prévoyant, d’une part, un complément attribué pour le recours à une tierce personne ou pour la réduction d’activité et, d’autre part, des compléments attribués pour les frais ;
- un basculement de l’ensemble du dispositif vers un système unique de PCH "enfant".