Régulièrement alertées par des usagers sur le fait que leur maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ne respecte par les dispositions légales et réglementaires, notamment prévues par le code de l'action sociale et des familles (CASF), quatre associations (Autisme France, le collectif Egalited, TouPI - association d'entraide pour les familles et les personnes concernées par les troubles cognitifs - et Dys nos Droits) ont lancé une enquête en ligne. Au total, 1 869 réponses ont été recueillies en un mois et demi - du 12 décembre 2015 au 31 janvier 2016 - émanant de toutes les MDPH de France, à l'exception de celles de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte. Les usagers des cinq départements qui se sont le plus exprimés sont ceux de l'Isère (107 réponses), du Nord (87), des Yvelines (67), du Rhône (64) et de la Loire-Atlantique (62).
Les résultats "soulèvent plusieurs points d'alerte", signalent les auteurs. Tout d'abord, 51 % des répondants indiquent que le délai de quatre mois dans lequel la MDPH doit rendre sa décision n'est "jamais ou rarement" respecté. Pour les associations, "il n'est pas acceptable" que des personnes handicapées et leurs familles se trouvant dans des "situations souvent précaires" et ayant des besoins qui doivent être satisfaits rapidement "soient laissées sans solutions au-delà de ce délai légal, déjà très long". Ils demandent donc aux MDPH de le respecter "impérativement". Il faut, par ailleurs, que "la législation et la réglementation évoluent pour passer d'un rejet tacite au bout de quatre mois à un accord tacite au bout de deux mois, conformément au droit commun". Ils plaident enfin pour que les délais d'attribution des prestations soient supérieurs à un an afin d'éviter les ruptures de prestations et permettre de désengorger les MDPH.
Des décisions non motivées
Autre aspect enquêté : le respect des modalités de dialogue avec l'usager prévues par la loi "handicap" du 11 février 2005. Celui-ci peut demander à rencontrer l'équipe pluridisciplinaire d'évaluation chargée d'étudier son dossier et de lui faire une proposition de plan personnalisé de compensation (PPC). L'usager a ensuite 15 jours pour transmettre ses commentaires, qui sont ensuite communiqués à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), commission à laquelle lui ou son représentant légal peut également demander à assister, "ce qui peut être particulièrement utile, notamment en cas de désaccord avec l'équipe pluridisciplinaire d'évaluation". La loi prévoit enfin que les décisions de la CDAPH soient motivées. Or, "s'il manque une seule de ces étapes, c'est tout le dispositif qui tombe", rappelle-t-on dans l'étude. "Si le PPC n'est pas transmis 15 jours avant ou si l'équipe pluridisciplinaire d'évaluation refuse de rencontrer l'usager, c'est à l'aveugle que l'usager va demander à assister à la CDAPH, noyant les MDPH de demandes qu'elles ne pourront pas servir puisqu'il est matériellement impossible de recevoir tous les usagers en CDAPH. En corollaire, les MDPH devront traiter de nombreux recours qui auraient pu être évités si les modalités du dialogue avaient été respectées et les décisions rendues de manière transparente". Sur plusieurs de ces points, les résultats de l'enquête sont inquiétants : 70 % des répondants indiquent que leur MDPH ne transmet jamais le PPC deux semaines avant la réunion de la CDAPH. En outre, respectivement 45 % et 46 % des usagers ayant demandé à rencontrer l'équipe d'évaluation et/ou à assister à la CDAPH n'ont pas pu le faire. Enfin, pas loin des trois quarts des personnes (71 %) indiquent que leur MDPH ne motive pas ses décisions.
Des dysfonctionnements à corriger
"Point plus positif" : le libre choix du praticien semble être respecté dans la majorité des cas. En effet, seuls 289 usagers ont indiqué que leur MDPH avait exigé un bilan venant d'un centre ressource autisme ou d'un centre de référence alors qu'ils en avaient déjà réalisé. S'il s'agit d'une "part réduite des répondants", les auteurs jugent cependant "utile" de faire un rappel sur ce libre choix.
Autre élément "rassurant" : certaines MDPH arrivent à mettre leurs pratiques en conformité avec la loi. "Il semblerait effectivement facile de mettre les dysfonctionnements observés sur le compte du manque de moyens. Or l'exemple donné par certaines MDPH montre que c'est sans doute davantage un problème d'organisation", peut-on lire dans le compte rendu d'enquête.
Enfin, les associations à l'initiative de l'enquête alertent sur la mise en oeuvre du dispositif "une réponse accompagnée pour tous". Celui-ci prévoit qu'un plan d'accompagnement global soit élaboré sur proposition de l'équipe pluridisciplinaire avec l'accord préalable de la personne concernée ou de son représentant légal "en cas d'indisponibilité ou d'inadaptation des réponses connues [et/ou] de complexité de la réponse à apporter, ou de risque ou de constat de rupture du parcours de la personne". Selon les associations qui craignent un "recul de la loi de 2005", les MDPH "statueront en effet non plus en fonction des besoins de la personne mais en fonction des places disponibles".
En dépit de l'engagement du gouvernement et de "nombre d'élus" sur le fait que rien ne pourrait se faire sans l'accord préalable de la personne concernée, les associations doutent que "l'accord préalable sera effectivement recueilli sur le plan d'accompagnement global alors qu'aujourd'hui même, dans 70 % des cas, le projet personnalisé de compensation n'est pas même soumis pour observation à la personne handicapée ou à sa famille 15 jours avant la commission". L'enquête révèle en effet que seules quatre des 23 MDPH désignées pour expérimenter ce dispositif ont des "pratiques correctes" en la matière. "Il nous paraît donc indispensable que les 19 autres MDPH, de manière prioritaire, corrigent ce dysfonctionnement", lancent les auteurs, qui appellent, de manière générale, l'ensemble des MDPH à mettre leurs pratiques en accord avec la législation.