"Alerté par l'aggravation de la situation des jeunes", le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a dressé le bilan des recommandations qu'il avait précédemment formulées dans ses avis sur les droits sociaux des jeunes (juin 2012), leur emploi (septembre 2012) et leur accès à un logement autonome (janvier 2013), tout en proposant "une évaluation des avancées réalisées depuis le lancement du plan "Priorité jeunesse" du gouvernement en 2013".
Dans son projet d'avis "de suite" présenté mercredi 25 mars, l'institution revient sur des constats connus, en soulignant que "la crise a dégradé l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, déjà préoccupante" et en pointant des "situations hétérogènes et des jeunes de plus en plus précarisés". L'insertion en emploi reste ainsi "difficile", plus d'un tiers (34,1 %) des 15-29 ans ayant un emploi précaire et la population étudiante (38 % des 18-25 ans) étant également confrontée à des difficultés.
Les conditions de vie des jeunes ont ainsi continué à se dégrader, le CESE rappelant que près d'un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, tandis que "la moitié des étudiants cumulent des études et un travail d'appoint pour subvenir à leurs besoins". Les jeunes sont par ailleurs "fortement impactés par la crise du logement" (en 2012, les 18-29 ans représentaient un quart des 141 000 personnes sans domicile en France).
Parcours d'insertion "en pointillé"
L'institution relève alors que les suites données aux préconisations de ses précédents avis sont inégales : par exemple, sa recommandation visant à "accompagner les jeunes dans leur accès aux droits sociaux [pour] limiter le non-recours" reste "trop peu mise en oeuvre et les permanences juridiques et sociales dans les lieux qui accueillent du public jeune (missions locales, réseau information jeunesse...) tendent à se raréfier". Ayant aussi recommandé de "structurer un service public de l'information et de l'accompagnement", elle estime qu'une étape a été franchie avec la signature par l'Etat et l'Association des régions de France (ARF) d'un accord-cadre pour la généralisation du service public régional de l'orientation mais ce dernier "ne répond que partiellement à cet objectif". Le CESE relève cependant "des avancées en matière de concertation et de dialogue", avec notamment une meilleure gouvernance nationale et territoriale des politiques de jeunesse et plus de concertation avec les organisations de jeunesse.
Concernant le parcours d'insertion sociale et professionnelle des jeunes, il est "toujours en pointillé", avecdes "difficultés d'accès aux soins encore trop peu prises en compte", un constat déjà dressé en 2012. Quant au "millefeuille de dispositifs", il n'a pas été remis en cause, "bien au contraire". Enfin, l'accès à certains droits et dispositifs a été "facilité" mais avec un impact "limité". C'est le cas de la "garantie jeunes" ou de la réforme des bourses étudiantes.
Pérenniser la "garantie jeunes"
Partant de là, l'avis du CESE - présenté par Antoine Dulin (groupe des organisations étudiantes et mouvements de jeunesse), au nom de la section des affaires sociales et de la santé - fait part de ses recommandations pour "sécuriser les parcours d'insertion sociale et professionnelle des jeunes dans la vie active". La première d'entre elles consiste à "pérenniser la 'garantie jeunes' afin d'en faire un droit", ce qui pourrait se faire à l'issue de l'évaluation de ce dispositif prévue pour septembre 2015, avec "une montée en charge progressive", préconise le CESE. "Faire de la 'garantie jeunes' un droit permettrait de rendre plus lisibles, pour les jeunes et pour les professionnels, les mesures d'accompagnement dont ils peuvent avoir besoin et de fondre une grande partie des dispositifs d'aide aux jeunes en situation de vulnérabilité", estime-t-il. "Cela permettrait par ailleurs de rétablir l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire et d'aller vers les jeunes les plus éloignés des institutions".
Le CESE propose également de "systématiser le contrat 'jeune majeur' pour les jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE)", en tirant un bilan de l'expérimentation actuellement menée par la DGCS dans sept départements sur le suivi et l'accompagnement des jeunes sortant de l'ASE, en favorisant au plan local l'élaboration d'un diagnostic partagé qui associe l'ensemble des acteurs concernés et en renforçant l'accompagnement.
Il plaide ensuite "pour un accès des jeunes à de nouveaux droits". Le CESE suggère notamment que la future prime d'activité soit "ouverte aux jeunes avec un contrat de travail aux mêmes conditions que les autres publics et sans discrimination" et d'assouplir les conditions d'accès au RSA "socle", "particulièrement restrictives pour les jeunes de moins de 25 ans".
Le CESE rappelle enfin que "l'investissement dans les politiques de jeunesse est indispensable", en ouvrant à cet égard trois pistes de financement : obtenir des gains d'efficacité du système existant, opérer des redéploiements de dépenses et, enfin, générer de nouvelles recettes, notamment à la faveur de la révision du système de prélèvement fiscal et social.
Renforcer la prévention
Une deuxième série de recommandations vise à "étendre le champ de la protection sociale individuelle des jeunes et garantir l'effectivité de l'accès à ces droits", sachant qu'en matière de santé, "peu de progrès ont été faits". Le CESE préconise de renforcer la prévention (mieux prendre en compte la santé des jeunes dans les stratégies régionales de santé, permettre aux structures d'accompagnement dédiées aux jeunes de pouvoir consacrer du temps et des moyens aux enjeux de santé, faciliter l'accès à un professionnel de santé…), de réellement prendre en compte les questions de santé mentale, de préserver la santé des jeunes au travail, ou encore de les informer de leurs droits afin de faciliter l'accès à une couverture santé complémentaire.
Plusieurs mesures ont pour objectif d'améliorer l'accès des jeunes au logement et leur solvabilité : augmenter l'efficacité des aides au logement, "aller vers l'universalité de la couverture des risques locatifs", accroître le nombre de places offertes par les dispositifs d'accueil et d'hébergement d'urgence et "en adapter une partie à l'accueil des jeunes". Enfin, le CESE plaide pour développer "une politique de jeunesse concertée" et pour lutter contre le non-recours, en actionnant plusieurs leviers : mettre fin à l'empilement des dispositifs, développer l'éducation et l'information aux droits sociaux, "permettre l'évolution du travail social et de l'accompagnement socioprofessionnel" ou encore élargir les rendez-vous des droits de la CNAF aux jeunes, y compris s'ils ne touchent pas de minima sociaux.
"Sécuriser les parcours d'insertion des jeunes", projet d'avis du CESE présenté le 25 mars 2015, prochainement en ligne sur le site du CESE.