Si la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance "est globalement une bonne loi, qui a permis au système français de gagner en lisibilité et en efficacité, (…) son déploiement se heurte encore à de nombreux obstacles" (fortes disparités territoriales, absence de pilotage national, insuffisance de la formation des professionnels, manque de coopération entre les secteurs d'intervention…), peut-on lire dans l'exposé des motifs de la proposition de loi sur la "protection de l'enfant" déposée par les sénatrices Muguette Dini (UDI, Rhône) et Michelle Meunier (PS, Loire-Atlantique) et rendue publique mardi 23 septembre.
Ajustements et évolutions
Sans vouloir remettre complètement à plat le dispositif de protection de l'enfance, ce texte entend donc lui apporter "des ajustements et des évolutions", pour répondre à trois objectifs : améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l'enfant, sécuriser le parcours de l'enfant protégé et adapter le statut de l'enfant placé sur le long terme. Beaucoup des mesures qu'il contient s'inscrivent ainsi dans le prolongement du rapport d'information, réalisé par les deux sénatrices pour la commission des affaires sociales du Sénat, et s'inspirent "de certaines revendications associatives mais aussi de récents rapports de l'ONED, de la défenseure des enfants, de la Cour des comptes ou encore d'un groupe de travail animé par l'universitaire Adeline Gouttenoire à la demande du ministère des Affaires sociales", précise un communiqué de Michelle Meunier.
Améliorer la connaissance des parcours
Alors que différents rapports montrent que "les parcours des enfants souffrent souvent d'un manque de suivi global et d'anticipation, avec des ruptures, des passages d'établissements en familles d'accueil, des allers et retours entre l'institution et la famille", le tout avec une multiplicité d'acteurs "ayant chacun leur logique et rythme propres, [obérant] la nécessaire cohérence de ces parcours d'accompagnement d'enfants en difficultés", cette proposition de loi vise "à améliorer la connaissance des parcours des publics, des dispositifs mis en oeuvre ainsi que la coordination nationale de la protection de l'enfance afin d'harmoniser les réponses adoptées sur l'ensemble du territoire national". Elle précise par ailleurs les modalités de prise en compte et de traitement des informations préoccupantes.
Enfin, elle incite à "rechercher, pour chaque enfant dont le retour dans son milieu familial est impossible, une solution d'accueil qui lui apporte une stabilité affective durable, indispensable à son éducation et à son épanouissement personnel", les deux sénatrices souhaitant dans ce cadre que le placement auprès d'un tiers digne de confiance puisse être davantage développé.
Création d'un Conseil national
Parmi les principales propositions, celle de créer un Conseil national de la protection de l'enfance, instance interministérielle chargée de "proposer au gouvernement les grandes orientations nationales de la protection de l'enfance, de formuler des avis et d'évaluer la mise en oeuvre des orientations retenues".
Les deux sénatrices suggèrent par ailleurs de transformer l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED) en "Observatoire national de la protection de l'enfance", une dénomination "plus cohérente avec le dispositif d'observation départemental", et de renforcer le "projet pour l'enfant" (PPE), "afin d'en faire un véritable instrument au service de l'intérêt supérieur du mineur, ce qu'il n'est pas suffisamment aujourd'hui".
Elles prônent également une réforme de l'adoption simple, "qui mérite d'être davantage utilisée comme mesure de protection de l'enfance", l'objectif étant "de la rendre irrévocable durant la minorité de l'adopté, sauf sur demande du ministère public pour motifs graves".
Ce texte souhaite également systématiser la désignation par le juge des enfants d'un administrateur ad hoc, indépendant de l'ASE, chargé de "représenter les intérêts du mineur dans la procédure d'assistance éducative, lorsque ces derniers sont en opposition avec ceux des titulaires de l'autorité parentale".
Autres dispositions envisagées : dans les cas où la rupture définitive avec la famille est nécessaire, "raccourcir au maximum les délais pour constater le délaissement parental ou la maltraitance active afin d'offrir, dès que possible, un autre environnement familial à l'enfant par une adoption plénière par exemple", retirer automatiquement l'autorité parentale pour le parent condamné pour des crimes ou délits commis contre son enfant, et à l'encontre de l'autre parent ou encore réintroduire la qualification d'inceste dans le Code pénal. Cette proposition de loi doit maintenant être inscrite à l'ordre du jour du Sénat, après la reprise de ses travaux à partir du mois d'octobre, pour y être examinée et soumise au vote.
Proposition de loi relative à la protection de l'enfant (PDF), présentée par Michelle Meunier et Muguette Dini, en ligne sur le site du Sénat.