Alors que plusieurs associations n'ont cessé d'alerter, cet été, sur l'urgence d'améliorer les conditions de vie des migrants qui échouent en nombre dans le Calaisis, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et la sénatrice-maire (UMP) de Calais, Natacha Bouchart, sont tombés d'accord, mardi 2 septembre, sur le principe d'ouvrir prochainement un centre d'accueil de jour, ainsi qu'un hébergement destiné aux femmes et aux enfants. Cette annonce a été accueillie positivement par Médecins du monde, qui juge cependant qu'elle ne va pas assez loin.
La ville de Calais pourrait mettre à disposition un centre aéré - le centre Jules-Ferry - d'une capacité d'accueil de 1 400 enfants, a précisé Natacha Bouchart, mais à condition que l'Etat en finance le fonctionnement. Ce centre pourrait aussi servir d'hébergement d'urgence en cas d'activation du plan "grand froid", a ajouté Natacha Bouchart à l'issue de sa rencontre avec le ministre de l'Intérieur.
Des annonces à concrétiser
Ces annonces - dont la concrétisation fait l'objet de nombreuses rencontres entre les pouvoirs publics et les associations, qui doivent être à nouveau reçues vendredi par le préfet du Pas-de-Calais - vont dans le sens des déclarations faites par ce dernier, samedi 30 août, selon lesquelles l'Etat envisageait la création d'un ou de plusieurs centres d'accueil de jour pour les migrants adultes, ainsi que d'un centre d'hébergement pour les femmes et les enfants en provenance d'Afrique de l'Est, actuellement installés dans un campement aménagé dans les dunes.
A l'issue d'une réunion avec les associations présentes dans la cité portuaire, le préfet Denis Robin avait en effet reconnu qu'il fallait améliorer "les prestations délivrées aux migrants, qui doivent tout naturellement avoir accès à des points d'eau, à des sanitaires, à des services de santé, à la distribution des repas".
Le représentant de l'Etat avait, en revanche, confirmé que le gouvernement n'était pas favorable à la création d'un grand centre d'hébergement pour migrants, comme Bernard Cazeneuve l'avait lui-même réaffirmé deux jours plus tôt, en marge d'un déplacement à Rome, en déclarant à l'AFP qu'il ne voulait pas "créer un centre d'accueil qui soit un nouveau point de convergence des migrants".
Protestant cependant de sa volonté "de créer les conditions d'un accompagnement le plus humain possible", le ministre de l'Intérieur a confié une mission au président de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES), Jérôme Vignon, et au préfet honoraire Jean Aribaud, "sur les moyens et dispositifs à mettre en place pour assurer une prise en charge satisfaisante des populations migrantes sur le territoire du Calaisis, sans provoquer sur un même territoire un phénomène de concentration peu maîtrisable". Cette mission institutionnelle - à laquelle participent aussi, notamment, Médecins du monde et le Secours catholique - doit rendre ses conclusions en mars 2015.
Les attentes de Médecins du monde
"Ce dont on peut se satisfaire, c'est qu'aujoud'hui, aussi bien le ministre de l'Intérieur que la maire de Calais ont réalisé la gravité de la situation et sont d'accord avec les associations sur le terrain pour reconnaître que les moyens actuels sont largement insuffisants", a réagi le directeur des opérations France de Médecins du monde, Jean-François Corty, présent mercredi 3 septembre dans la jungle de Calais, qui accueillait la visite du représentant européen de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).
Pour le responsable associatif, la solution ne passe certes pas par la création d'un seul centre mais de plusieurs, "pour ne pas retomber dans les travers de Sangatte, qui était devenu ingérable", l'ancien centre géré par la Croix-Rouge, jusqu'à sa fermeture en 2002, ayant été très vite submergé par les besoins.
Mais prévoir un centre de jour pour les hommes adultes et un hébergement pour les femmes et les enfants reste très en-deçà de la demande de l'association d'assurer "un accueil inconditionnel des personnes". Car "c'est la question de la vulnérabilité qui induit la nature de la réponse", souligne Jean-François Corty, en évoquant les migrants fragilisés à leur arrivée en France. "Il y a une forme d'incohérence à les accueillir le jour et à les remettre dehors le soir", selon lui, sans oublier que "tout le monde n'aura pas accès à ces dispositifs" et qu'il faut aussi, plus généralement, dans l'aire de Calais, "améliorer l'accès à l'eau, à la santé, aux soins, à l'hygiène, aux droits fondamentaux".