Dans son rapport sur les aménagements et les suspensions de peine pour raison médicale, remis jeudi 12 juin à la garde des Sceaux, Christiane Taubira, et à la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, le groupe de travail santé-justice, installé début 2013, ouvre des pistes pour "simplifier et accélérer la procédure de suspension de peine pour raison médicale".
A noter que le deuxième groupe de travail interministériel mis en place en parallèle poursuit encore, pour sa part, ses travaux sur la réduction des risques sanitaires en milieu carcéral.
Pour l'heure, les recommandations formulées dans le rapport remis la semaine dernière au gouvernement "pourront utilement enrichir les débats parlementaires en cours autour du projet de réforme pénale", souligne la Chancellerie dans un communiqué, en annonçant déjà que, "le dispostif de suspension de peine étant peu utilisé", un guide méthodologique relatif à la suspension et aux aménagements de peine pour raison médicale sera élaboré conjointement par les services des deux ministères, à destination des professionnels.
Un état des lieux parcellaire
Au cours de leur mission - qui a notamment exploité des données transmises par l'administration pénitentiaire, la direction des services judiciaires et un cabinet d'expert -, les membres du groupe de travail santé-justice ont en effet relevé un certain nombre d'obstacles empêchant la mise en oeuvre de la suspension de peine pour raison médicale, qui ne concerne au final que peu de détenus : 296 demandes ont en effet été déposées en 2012, pour 253 acceptées, soit un taux d'approbation de 85 %, selon la DAP, tandis que les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) suivaient 219 mesures de suspension de peine pour raison médicale. Le nombre de personnes âgées de 70 ans et plus ayant bénéficié d'une libération conditionnelle s'élevait pour sa part à 464 au total, en 2012, soit 0,7 % de l'ensemble des personnes détenues écrouées.
En réponse aux "limites et freins" qui limitent le recours à cette possibilité, le groupe de travail formule un ensemble de recommandations qui visent, en premier lieu, à "améliorer et [à] fiabiliser le recueil des statistiques disponibles relatives aux suspensions de peine pour raison médicale", alors que le repérage des personnes concernées relève actuellement des personnels pénitentiaires, mais aussi des professionnels de santé et des avocats. De même, des efforts doivent être produits pour améliorer les conditions d'expertise auprès des détenus.
Prendre en compte le handicap
Une autre disposition générale a pour ambition de mettre en place une information et des formations pour les personnels concernés par les suspensions et les aménagements de peine pour raison médicale : personnels médicaux, magistrats, personnels pénitentiaires, médecins experts, etc., une exigence qui passe par la rédaction du guide méthodologique dont le principe est déjà acté par le gouvernement.
Le groupe de travail s'est aussi accordé sur la nécessité d'élargir le champ d'application de la suspension de peine pour raison médicale par la prise en compte du handicap, en particulier, en précisant "dans le guide pratique que la suspension de peine pour raison médicale est applicable à l'égard des personnes dont le handicap est durablement incompatible avec la détention et qu'il convient, dans cette appréciation, de bien prendre en compte les conditions effectives de détention ordinaire". C'est aussi le cas des troubles psychiques, qui en sont en effet souvent exclus en pratique, en raison d'une interprétation restrictive du code de procédure pénale, dont le groupe de travail demande une réécriture pour clarifier ce point.
La mission santé-justice avance aussi plusieurs propositions visant à assouplir les règles procédurales d'octroi de la suspension de peine, en supprimant l'exigence de deux expertises médicales concordantes, par exemple, ou en élargissant la compétence du juge de l'application des peines pour toutes les demandes de suspension de peine pour raison médicale en urgence, quel que soit le reliquat de peine à exécuter.
Le rôle central du SPIP
Pour ce qui est de la libération conditionnelle, le groupe de travail préconise, entre autres, de "créer un mécanisme permettant à la personne dont l'état de santé est définitivement incompatible avec la détention de bénéficier d'une libération conditionnelle à des conditions assouplies (sans référence à la durée de peine exécutée comme pour la libération conditionnelle des plus de 70 ans), à l'issue d'une certaine durée passée sous le régime de la suspension de peine pour raison médicale".
Plusieurs recommandations concernent enfin la prise en charge en aval, à propos de laquelle le groupe de travail remarque que, "dans les différentes procédures de suspensions et d'aménagements de peine pour raison médicale, il manque un coordonnateur entre l'équipe soignante, les services sociaux et le SPIP", rôle qui pourrait être confié à ce dernier, "tout au long de la procédure, notamment dans le suivi de la mesure, tout en insistant sur l'appui que doivent lui apporter les partenaires sanitaires et les services sociaux".
De même, il faudrait "prévoir, par des dispositions réglementaires, les modalités d'une saisine rapide du SPIP compétent pour assurer le suivi de la personne bénéficiant d'une suspension de peine pour raison médicale, dès sa sortie de prison", et organiser, par ailleurs, "une rencontre systématique, préalable à la sortie, entre la personne bénéficiant d'une suspension de peine ou d'un aménagement de peine pour raison médicale, l'établissement d'accueil et les SPIP compétents (milieu fermé et milieu ouvert) pour préparer les conditions d'accueil, dans la mesure du possible dans le cadre d'une permission de sortir".
Aménagements et suspensions de peine pour raison médicale, rapport à télécharger sur le site du ministère de la Justice.