Comme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, Marie-Arlette Carlotti, en a elle-même convenu dans la cour de Matignon, "il valait mieux dire la vérité" puisque l'impossibilité de respecter la date du 1er janvier 2015 pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP) "était un secret de polichinelle".
Le gouvernement a donc validé, mercredi 26 février, non pas le report de cette échéance mais la mise en place d'un "processus irréversible" destiné à rattraper le retard accumulé, en permettant aux acteurs publics et privés "de s'engager sur un calendrier précis" de travaux, sous la forme d'"agendas d'accessibilité programmée" (Ad'AP) d'une durée maximum de trois, six ou neuf ans, en fonction de leurs caractéristiques soit, sommairement :
- jusqu'à trois ans pour les ERP de 5e catégorie (petits établissements) ;
- jusqu'à six ans pour les ERP de 1ère à 4e catégorie et pour les Ad'AP "de patrimoine" (incluant plusieurs établissements, toutes catégories confondues) ;
- jusqu'à neuf ans, à titre exceptionnel, pour les Ad'AP "de patrimoine complexe" (incluant les transports, par exemple).
Une réforme par voie d'ordonnance
Mais "la loi du 11 janvier 2005 reste en l'état", a insisté Marie-Arlette Carlotti, à l'issue de la réunion de conclusion de la concertation sur les nouvelles modalités de mise en oeuvre de l'accessibilité, organisée sous l'égide du Premier ministre avec les acteurs concernés, et qui a aussi adopté des décisions visant à simplifier et à actualiser certaines normes, avec des dispositions devant permettre de mieux prendre en compte tous les types de handicaps.
Un millier d'ambassadeurs de l'accessibilité doivent en outre être recrutés dès cette année, dans le cadre du service civique, pour orienter et informer les acteurs concernés sur cette nouvelle réforme, a encore souligné la ministre déléguée aux personnes handicapées.
Pour concrétiser ce dispositif, le gouvernement va présenter, le 2 avril prochain en conseil des ministres, un projet de loi d'habilitation à légiférer par ordonnance, qui lui permettra de prendre le texte adéquat au début de l'été, ses décrets d'application (sur les Ad'Ap et sur la simplification des normes) devant être publiés avant la fin de l'année 2014.
Des "agendas" validés par l'Etat
"Les délais ne sont pas repoussés", a également assuré la sénatrice (PS) de l'Essonne Claire-Lise Campion, présidente de l'Observatoire national de l'accessibilité, et notamment auteur d'un rapport qui proposait déjà, en mars 2013, un "agenda" de rattrapage.
Mais force est de constater que "la loi de 2005 était ambitieuse mais a manqué de portage politique et de suivi", a-t-elle regretté, en apportant des précisions sur la réforme issue de trois mois de concertation avec les associations de personnes handicapées et d'élus, les représentants du secteur des transports, les acteurs du logement et les représentants de la construction, du commerce, de l'hôtellerie et de la restauration, ainsi que des professions libérales, pour "mobiliser l'ensemble de la société".
Au final, "2015 ne sera pas l'année du renoncement", et il n'est pas question de revenir sur cette date, pour Claire-Lise Campion, qui considère que "l'engagement politique du gouvernement est bien là", avec la mise en oeuvre de ces agendas d'accessibilité, qui constituent "des engagements irréversibles et irrévocables dotés de mécanismes de contrôle et de sanctions, dans des délais raisonnables".
De fait, les Ad'AP élaborés par les ERP doivent être validés par l'Etat, au niveau des préfets de département, après contrôle par les directions départementales des territoires (DDT) et sur avis des commissions consultatives départementales de sécurité et d'accessibilité.
"Un échéancier de travaux"
Pour ce qui est du calendrier, la date-limite de dépôt des projets d'agendas d'accessibilité programmée ou d'engagement des ERP dans cette procédure (par une délibération de la collectivité ou du conseil d'administration de l'établissement concerné, ou un engagement de son gestionnaire) est fixée au 31 décembre 2014.
Tous les projets devront avoir été déposés auprès des préfets au plus tard un an après la publication de l'ordonnance créant le nouveau dispositif, qui "ne se substitue pas à la loi mais la complète", en y ajoutant un véritable "échéancier de travaux", a indiqué pour sa part la déléguée ministérielle à l'accessibilité, Marie Prost-Coletta.
Quant aux sanctions financières prévues en cas de non-conformité à la loi, dans les délais ainsi prévus par les Ad'AP, elles seront "proportionnelles et liées au niveau des engagements non respectés" ; ces amendes seront versées à un fonds d'accessibilité universelle destiné à financer de la recherche et du développement, mais aussi des travaux "dans certaines situations très complexes".
Des cas relativement rares, cependant, puisque "le délai de trois ans maximum devrait concerner environ 80 % des ERP", a avancé Marie Prost-Coletta, bien que l'on ignore toujours le nombre total d'ERP visés par l'obligation de mise en accessibilité, les estimations allant de 650 000 à... deux millions, selon les sources et les critères retenus.