La pression monte avant le comité interministériel de lutte contre l'exclusion du lundi 21 janvier. Bien déterminé à obtenir la réalisation des promesses affichées par le gouvernement, le Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement des personnes sans abri et mal logées a rendu publique, jeudi 17 janvier, une liste de "20 départements-sentinelles", où les organisations vont suivre de près la mise en oeuvre des projets territoriaux de sortie de l'hiver.
Cette initiative, qui va donner lieu à la publication, tous les 15 jours, d'un baromètre des actions mises en oeuvre par les préfets, a été présentée, par les porte-parole des 33 associations de solidarité réunies dans le collectif, au Pavillon Jalaguier, un centre d'hébergement d'urgence géré par l'association Aurore, dans les locaux de l'ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul (AP-HP).
Pérenniser l'hébergement
Une structure emblématique des revendications des associations puisque ce centre, qui accueille actuellement une vingtaine de femmes isolées vivant à la rue, devrait fermer ses portes au 31 mars prochain, à la fin de la période hivernale, comme c'est le cas du pavillon Pasteur, qui accueille 30 hommes (plan hivernal 2012-2013 chez Aurore).
Cette perspective est d'autant plus inacceptable pour les organisations en général, et pour Aurore en particulier - qui espère bien pouvoir pérenniser cet hébergement, à l'instar du centre de stabilisation installé dans l'un des autres bâtiments de cet hôpital parisien désaffecté (le pavillon Pierre Petit) -, qu'elle va à l'encontre des déclarations du gouvernement affirmant son intention d'en finir avec "la gestion au thermomètre".
Des projets dans la durée
De fait, "c'est dans la durée que peuvent se construire les projets d'insertion", a souligné le directeur général de l'association Aurore, Eric Pliez, avant de céder la parole à Christophe Robert.
Le délégué général adjoint de la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés a, pour sa part, rappelé les regrets déjà formulés par les associations à l'issue de la conférence "pauvreté" des 10 et 11 décembre dernier, en préparation de laquelle il avait co-rédigé, avec le préfet Alain Régnier (DIHAL), un rapport "Pour un choc de solidarité en faveur des sans-abri et des mal logés".
Face aux annonces faites par le Premier ministre le mois dernier, force est de constater que "le compte n'y est pas", a ainsi répété Christophe Robert jeudi, en évoquant les expulsions locatives, sur lesquelles les associations réclament un moratoire, la revalorisation des aides personnelles au logement, qui bénéficient à moins de ménages et dont le montant est insuffisant, la construction de davantage de logements très sociaux (PLAI) ou, enfin, la nécessité de fixer des financements allant au-delà de 2013 pour donner de la visibilité aux opérateurs.
Relancer une dynamique
"On a une occasion unique, lundi prochain, de relancer une véritable politique en faveur des sans-abri et des mal-logés, d'enclencher une dynamique digne de ce nom", a renchéri le représentant de la Fondation Abbé-Pierre.
A propos du moratoire sur les expulsions locatives - qui concernerait aussi le démantèlement des campements de fortune, dixit Christophe Robert -, le responsable des missions France de Médecins du monde, Jean-François Corty, est brièvement intervenu, au cours de la conférence de presse, pour dénoncer "les préfets et les maires qui ne jouent pas le jeu en prenant des arrêtés de péril pour expulser des familles, y compris avec des enfants, qui se retrouvent à la rue".
Certes, le Collectif salue les avancées de la circulaire du 4 janvier sur les projets territoriaux de sortie de l'hiver, qui reprend certaines des propositions associatives, mais son application connaît d'importants retards sur le terrain, a commenté Florent Guéguen, le jeune directeur de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS).
Contrôle des politiques publiques
Plus généralement, il a exprimé un vif sentiment de mécontentement à l'égard des actions de l'Etat, qui "reconduit les politiques antérieures" malgré le changement de majorité et, en premier lieu donc, la gestion hivernale de l'urgence qui génère "un accueil de mauvaise qualité (en gymnases, casernes...) qui ne pourra pas être pérennisé". Sans oublier "la rotation de l'hébergement d'urgence" qui a pour conséquence de remettre les personnes à la rue tous les deux ou trois jours pour faire de la place dans les centres.
"Il y a un écart énorme entre la volonté politique affichée et son application sur les territoires", a-t-il résumé en décrivant le "compte à rebours" lancé par les associations, qui consiste à contrôler l'avancement de la préparation de la sortie de l'hiver, en application de la circulaire du 4 janvier, "dans 20 départements-sentinelles, urbains et semi-ruraux", répartis sur tout le territoire métropolitain (voir note).
Les informations collectées par la FNARS, la Croix-Rouge française et l'Uniopss, pour assurer un bon maillage territorial de cette surveillance, seront remontées tous les 15 jours, et publiées sur la page Facebook du Collectif des associations unies, "au moins jusqu'à fin mars, mais sans doute au-delà, certains hébergements pouvant être prolongés après la fin de la période hivernale", nous a enfin précisé Florent Guéguen.
Les 20 "départements-sentinelles" sont : le Nord, la Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire, le Rhône, la Charente, la Gironde, l'Ille-et-Vilaine, la Haute-Garonne, Paris, le Bas-Rhin, le Val-de-Marne, les Hautes-Pyrénées, l'Indre-et-Loire, l'Yonne, le Gard, le Pas-de-Calais, le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, la Côte-d'Or et le Tarn-et-Garonne.