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Un manifeste en faveur d'une autre politique de la prévention de la récidive

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"Nous en appelons à la mise en oeuvre d'une politique de prévention de la récidive digne de ce nom articulée autour du développement de la probation et cantonnant l'enfermement aux cas les plus graves" : dans un manifeste titré "Pour une peine juste et efficace", huit organisations (liste en note) ainsi que 55 professionnels et chercheurs, principalement issus du champ judiciaire, plaident pour une réforme du système pénal français, engagé selon eux depuis dix ans dans "une course folle".

Témoignage d'un échec

Les signataires pointent en particulier la "frénésie législative" (29 lois pénales votées en 10 ans) qui a conduit à "la multiplication des incriminations et des occasions de recours à l'emprisonnement, générant une augmentation continue de la sévérité des peines de prison prononcées et du nombre de personnes entrant en prison".
Avant d'asséner un verdict sans appel sur les résultats de cette politique : "le témoignage d'un échec et la promesse d'une faillite".
Selon eux, les orientations prises depuis une décennie "relèvent d'une démarche idéologique et irrationnelle, coupée de la réalité", qui vont à l'encontre de recherches internationales qui convergent vers les mêmes conclusions, qui sont que "le recours systématique à l'emprisonnement aggrave les risques de récidive".

Une véritable peine de probation

Raison pour laquelle il faut repenser la politique de prévention de la récidive, qui doit d'abord s'appuyer sur une "véritable peine de probation", celle-ci passant par "la création d'un cadre juridique nouveau [devant] permettre de favoriser le développement du prononcé de peines alternatives à la prison".
Mais ce type de peine "ne pourra se développer valablement sans méthodes d'évaluation et de suivi éprouvées", préviennent-ils, pour qu'elle atteigne son objectif qui est à la fois de favoriser la réinsertion des personnes condamnées et de prévenir la récidive.
Enfin, ils rappellent que ce nouveau projet pénal doit être "appréhendé dans sa globalité" à travers une "stratégie de réforme cohérente nourrie d'orientations qui allient court, moyen et long termes et s'appuie sur les savoir-faire existants".
Un chantier qui nécessitera, "sur la base d'une délimitation rationnelle des fonctions et des limites de la justice pénale, un effort de dépénalisation (...) pour redonner de l'oxygène à la 'machine judiciaire'".

Prévention de la récidive en "jachère"

A l'appui de ce manifeste, un groupe de travail coordonné par deux membres du Syndicat de la magistrature a produit un document qui détaille une série de propositions visant à "moderniser notre justice pénale dans le sens d'une justice compréhensible pour les citoyens", les auteurs indiquant en avant-propos que leurs travaux "ont été animés de la volonté de sortir d'une posture idéologique sécuritaire et de promouvoir une action efficace".
Après avoir dressé le bilan "en forme de fuite en avant" de la politique pénale mise en oeuvre depuis une dizaine d'années qui a privilégié le "choix du tout carcéral" au détriment de la prévention de la récidive "laissée en jachère", ils détaillent comment construire une probation opérante qui passe à la fois par la création des conditions d'une lutte efficace contre la délinquance, le développement de nouveaux outils, et enfin par l'élaboration d'un "service public de la probation cohérent", plaidant à ce titre pour la mise en place d'un "numerus clausus" pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), l'optimisation de leurs moyens et de leurs conditions de travail, et la mobilisation des services de droit commun.

Prioriser les orientations des SPIP

"Dans l'immédiat, les orientations de travail des SPIP doivent être plus clairement priorisées", soulignent les rédacteurs, qui jugent que "définir les priorités de prise en charge sur le seul critère de la gravité de l'infraction commise constitue une erreur", car le taux de récidive est plus important pour des infractions considérées comme étant de moindre gravité.
Le troisième axe de l'argumentaire développe des pistes afin de prévenir la surpopulation carcérale, notamment en abolissant les "mesures pourvoyeuses d'incarcération" (peines "plancher", comparutions immédiates...), en interrompant le programme de construction de nouvelles prisons pour "privilégier la construction d'établissements adaptés", en favorisant les aménagements de peines, et enfin en instaurant un "mécanisme de prévention durable de la surpopulation carcérale".
Enfin, le document détaille une série de propositions pour moderniser le système pénal français qui s'articulent autour des cinq principes suivants : définir la sanction la plus utile, choisir la peine la plus efficace, mieux prendre en compte la situation de la victime, restaurer la lisibilité du système pénal, et enfin prononcer des "peines éclairées".
Les auteurs signalent en conclusion que leurs propositions "s'inscrivent également dans la perspective d'une plus grande indépendance donnée à la justice", et que la désignation d'un nouveau gouvernement leur paraît "une occasion unique de procéder à une réforme d'ensemble du système pénal pour lui donner cohérence et lisibilité".

Les organisations signataires du manifeste "Pour une peine juste et efficace" sont l'Association française de criminologie, l'Association nationale des juges de l'application des peines, la Fédération des associations réflexion-action, prison et justice (Farapej), la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS), la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP), le Snepap-FSU, le Syndicat des avocats de France, et le Syndicat de la magistrature.
Le manifeste "Pour une peine juste et efficace" et la note de synthèse "Prévention de la récidive : sortir de l'impasse" sont en ligne sur notre docuthèque.

A lire aussi, sur le même sujet, notre article sur l'avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, également publié mercredi 13 juin, portant sur la population carcérale.

E.C.

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