Sept organisations syndicales de salariés et de médecins avaient appelé à une mobilisation devant l'Agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais mardi 12 juin, en réaction au plan d'économies qui touche le secteur de la psychiatrie dans cette région.
"Pour la première fois (...) le budget octroyé pour 2012 sera négatif", alertaient ainsi le communiqué commun des sections locales de la CFDT, la CGT, FO, Sud santé sociaux, l'UNSA, du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et de l'Union syndicale de la psychiatrie (USP).
"Saignée" budgétaire
Les professionnels des établissements concernés par cette "saignée", en particulier les quatre établissements publics de santé mentale de la région, l'EPSM des Flandres à Bailleul, l'EPSM de l'agglomération lilloise à Saint-André, l'EPSM Lille Métropole d'Armentières et l'ESPM Val de Lys-Artois de Saint-Venant, s'étaient donc donné rendez-vous à l'ARS pour exprimer leur mécontentement et leur inquiétude.
"Cela représente un recul de - 0,33 % dans le budget de la psychiatrie", témoigne ainsi Serge Moronval, délégué CGT à l'EPSM de l'agglomération lilloise. "A l'ARS on nous a expliqué que 75 % de ce gel était supporté par l'hôpital, mais nous le ressentons beaucoup plus fortement au niveau de nos établissements. Surtout, c'est la première fois que l'on a un budget en recul".
Toute la région concernée
Vladimir Nieddu, délégué sud santé sociaux dans le même établissement, rappelle qu'ils ont été les premiers à avoir eu connaissance de cette ponction budgétaire, le 27 avril dernier : "Nous nous sommes immédiatement mobilisés et avons constaté que toute la psychiatrie régionale était concernée".
Une situation qui va conduire à de nombreuses suppressions de postes, avertissent les organisations syndicales, avec des conséquences sur la qualité des soins et de la prise en en charge. D'après leurs estimations, entre 100 et 120 postes seraient ainsi menacés (non-remplacement de départs en retraite, non-renouvellement de CDD...) sur les quatre EPSM.
Indicateurs défavorables
Si le gel des dotations est général, les syndicats ont cependant le sentiment que ce dernier est majoritairement supporté par le secteur de la santé mentale. C'est d'ailleurs ce qu'ils ont indiqué aux représentants de l'ARS qui les ont reçus le 12 juin.
Une rencontre au cours de laquelle les délégués syndicaux interrogés estiment avoir été écoutés et entendus, Vladimir Nieddu évoquant même "l'empathie" de leurs interlocuteurs s'agissant du constat sur la situation régionale, marquée depuis longtemps par des indicateurs de santé nettement plus défavorables que la moyenne nationale (selon les chiffres du syndicaliste, le taux de suicide y est notamment de 39 % supérieur) : "Il y a un consensus partagé par l'ensemble des acteurs là-dessus", confie-t-il.
Les désaccords portent en revanche sur les orientations budgétaires de l'ARS. "Il ne s'agit pas d'un choix délibéré de l'ARS de ponctionner la psychiatrie", se défend de son côté Sylvie Le Chevillier, directrice de cabinet du directeur général de l'ARS, qui a reçu mardi la délégation syndicale avant de rencontrer le lendemain les directeurs des EPSM ainsi que leurs présidents de CME et de conseils de surveillance.
Pas de marge de manoeuvre
"La situation budgétaire du Nord-Pas-de-Calais est telle que nous ne disposons pas de marge de manoeuvre", poursuit Sylvie Le Chevillier. "On ne peut pas dépasser le taux directeur de l'ONDAM car on ne peut pas agir sur l'activité, et du coup on ne peut intervenir qu'au niveau des missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation (MIGAC) et des dotations annuelles de financement (DAF). Nous avons d'ailleurs eu une instruction nationale dans ce sens. Si cela avait été possible, nous n'aurions touché qu'aux MIGAC, mais à la différence des autres ARS nous ne disposons pas de telles marges de manoeuvre et avons donc du faire porter une infime partie du gel sur la DAF de la psychiatrie".
Au total, sur les 15,8 millions de crédits gelés, 5,5 millions sont supportés par la psychiatrie dont 1,9 million pour les seuls EPSM.
Sylvie Le Chevillier précise par ailleurs avoir alerté le ministère sur les difficultés du Nord-Pas-de-Calais et sur le mécontentement exprimé localement. Avant d'indiquer n'avoir "aucune visibilité à ce jour" mais que dès qu'une instruction ministérielle en faveur d'un dégel interviendra ("normalement il y en aura un...", glisse-t-elle), celui-ci portera prioritairement sur la DAF de la psychiatrie.
Vladimir Nieddu estime pour sa part que la balle est dans le camp de Marisol Touraine, ministre en charge de la Santé, qui "doit prendre la décision de dégeler ce qui a été gelé par le gouvernement précédent".
Les organisations syndicales doivent quant à elles se réunir à nouveau le 21 juin prochain pour décider de la suite à donner à leur mobilisation.