"Victime d'une précarisation croissante, la jeunesse semble être devenue le catalyseur des problèmes sociaux les plus urgents. Progression du taux de pauvreté, mal-logement ou difficultés croissantes dans l'accès aux soins (un jeune sur six n'a pas de complémentaire santé) constituent les bases d'une situation sociale aujourd'hui préoccupante".
Partant de ce constat, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté mardi 12 juin un avis visant à "améliorer le recours aux droits sociaux des jeunes", après en avoir débattu en séance plénière, une fois terminé le discours du président de la République, François Hollande, reçu au Palais d'Iéna en début d'après-midi.
Plus exposés que leurs aînés
Dans ce texte, le rapporteur de ce projet d'avis pour l'assemblée consultative, Antoine Dulin (membre du groupe des organisations étudiantes et mouvements de la jeunesse du CESE), revient sur les raisons qui ont abouti à ce que les jeunes gens d'aujourd'hui soient "davantage que leurs aînés exposés à la précarité du marché du travail et plus vulnérables au chômage".
Et le jeune homme de 29 ans, délégué national aux Scouts et Guides de France, de souligner que les inégalités sociales ont tendance à se creuser selon l'origine sociale et la zone de résidence. Le "millefeuille de dispositifs" créés depuis des années pour tenter de répondre à ces évolutions, perd en efficacité, juge-t-il en outre, en colmatant ici une façade qui se lézarde plus loin.
Un enjeu majeur
Comment "assurer aux jeunes un accès à leurs droits sociaux tout au long d'un parcours d'insertion qui est souvent jalonné de ruptures", s'interroge alors le CESE dans son avis, en analysant la question sous l'angle, "novateur", du non-recours aux droits, car il est "propre à mettre en valeur les leviers concrets d'une optimisation du recours des jeunes à leurs droits sociaux, en termes d'information, d'accompagnement, de simplification des dispositifs..."
Or cette question constitue, pour la France, "un enjeu majeur pour les prochaines années", souligne l'assemblée consultative, ne serait-ce qu'en raison d'un taux de natalité dynamique et donc de l'importance démographique des jeunes générations : "les jeunes de 15 à 29 ans, selon l'Insee, représentent 18,4 % de la population (12 millions)", rappelle le CESE.
Une priorité politique
"L'amélioration de l'accès et du recours des jeunes aux droits sociaux doit constituer l'un des axes d'une politique publique beaucoup plus ambitieuse d'insertion des jeunes dans la société, en bénéficiant d'un parcours de formation et d'un accès facilité à l'emploi", résume le rapporteur de cet avis, "l'égal accès de tous aux droits sociaux [devant] contribuer à l'atteinte de ces objectifs".
"La jeunesse doit être une priorité politique", affirme encore Antoine Dulin, "elle ne doit pas être perçue comme une charge, mais bien comme un investissement dans le présent et l'avenir de notre société".
Parmi ses principales préconisations, le CESE recommande donc, en matière d'accompagnement des jeunes dans leur accès aux droits sociaux, de structurer "un service public de l'information et de l'accompagnement", y compris en développant la médiation sociale et les actions "hors les murs", mais aussi de renforcer les missions locales.
Leur rôle d'orientation et d'écoute doit ainsi être valorisé, au-delà de leur tâche d'insertion professionnelle, en y développant des permanences juridiques et sociales. Parallèlement les CROUS doivent être confortés "dans leur rôle d'interlocuteur principal pour les étudiants".
Sécuriser les parcours d'insertion
Pour rénover la gouvernance nationale et territoriale des politiques de jeunesse, l'assemblée consultative plaide aussi pour la nomination d'un Haut Commissaire à la Jeunesse, rattaché au Premier ministre et chargé d'articuler les politiques publiques menées dans ce domaine.
L'Association des régions de France (ARF) doit par ailleurs réfléchir à la question de l'accès aux droits sociaux, dans le cadre du rôle du conseil régional en tant que "chef de file de l'accompagnement du parcours des jeunes".
Ces derniers doivent aussi être associés aux politiques qui les concernent, par l'installation, en particulier, d'un Conseil d'orientation pour les politiques de jeunesse, et par la désignation des représentants des organisations étudiantes et des mouvements de jeunesse dans les CESER.
Il faut plus spécifiquement "sécuriser les parcours d'insertion", poursuit le texte soumis par Antoine Dulin à l'approbation de ses pairs, en proposant de reconduire "les crédits des fonds d'expérimentation pour la jeunesse afin d'évaluer et de promouvoir des réponses au non-recours des jeunes".
Mise en place d'un "chèque santé"
Le Fonds CMU doit par ailleurs analyser les freins aux demandes individuelles de couverture maladie universelle (CMU et CMU-C) des jeunes de 18 à 25 ans, afin de pouvoir engager "des simplifications réglementaires" tout en généralisant le "chèque santé" qui permet, sous condition de ressources, de bénéficier d'une prise en charge partielle du coût d'une complémentaire santé.
Pour lever les barrières à l'accès au logement, il faut développer "un système de cautionnement solidaire unique et obligatoire" et, pour les plus démunis, renforcer les structures d'hébergement.
Quant aux aides destinées à améliorer l'accès à une formation ou à un emploi, elles doivent être évaluées pour gagner en efficacité, "en remettant à plat les dispositifs pour abonder ceux qui sont effcicaces et supprimer les autres". Vaste chantier.
Les autres pistes visent à assurer le financement de l'allocation prévue dans le cadre du contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), dont le montant pourrait d'ailleurs être revalorisé, et à assouplir les conditions d'accès au RSA "activité" pour les jeunes de 18 à 25 ans ayant déjà travaillé.
Droits réels/droits formels : améliorer le recours aux droits sociaux des jeunes, projet d'avis présenté au nom de la section des affaires sociales et de la santé par M. Antoine Dulin, prochainement en ligne sur le site du CESE.
A.S.