Alors que l'examen du projet de loi réformant la psychiatrie va débuter mardi 15 mars à l'Assemblée nationale, il mobilise déjà contre lui nombre de professionnels de la santé mentale et de la magistrature qui appellent à la grève et au rassemblement, le jour même, devant le Palais Bourbon à Paris et devant les préfectures "partout où c'est possible".
L'ensemble des oganisations signataires de cet appel - plusieurs syndicats de psychiatres publics et privés, l'Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature (SM) - entendent ainsi dénoncer "une réforme rétrograde et inapplicable des soins sans consentement".
Un texte qui va multiplier les contentieux
Le projet de loi défendu par le gouvernement - qui l'a déjà modifié en janvier dernier pour tenir compte de critiques formulées par le Conseil constitutionnel en novembre 2010 - constitue en effet, aux yeux de ses détracteurs, "un texte à vocation sécuritaire dont la complexité prépare les conditions de contentieux et d'impasses cliniques pour les patients soumis à une loi qui sera en réalité inapplicable".
La loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation "devait être évaluée dans les cinq ans après sa promulgation", rappellent dans un communiqué commun les tenants de cette mobilisation (voir note).
Dans l'attente d'une véritable loi sanitaire
"C'est finalement 20 ans qui ont été laissés à une réflexion qui aurait dû permettre l'élaboration de la loi sur les soins sans consentement qu'attendaient les usagers, les familles et les professionnels de la santé mentale", constatent-ils encore, en soulignant qu'était ainsi attendue "une véritable loi sanitaire, garantissant à la fois la qualité des soins et les libertés individuelles".
Au final, c'est la déception qui prime puisque le projet gouvernemental de mai 2010 "élargissait considérablement les prérogatives du préfet, renforçait la notion ambiguë d'ordre public (...), durcissait les conditions de sortie et multipliait les catégories de patients concernés au nom d'une supposée dangerosité".
Contraire à la Constitution
Une orientation contraire à l'esprit comme à la lettre de la Constitution, comme s'en sont donc émus ses Gardiens, invités à se prononcer dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Mais malgré la décision des Sages, le gouvernement a choisi de s'entêter à "maintenir un dispositif obsolète et injuste", regrettent aujourd'hui les opposants au texte.
Même après les derniers amendements apportés par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, "ce nouveau projet de loi n'étend pas les prérogatives du juge ni le recours systématique en cas de désaccords entre les avis médicaux et les décisions préfectorales à toutes les formes des soins sans consentement", il maintient aussi "un casier psychiatrique basé sur les antécédents médicaux, livrés à l’administration" et multiplie "inutilement" les avis médicaux.
Un équilibre rompu entre droits et intervention thérapeuthique
Bref, pour l'ensemble des organisations professionnelles de psychiatres, dont une partie estime d'ailleurs "que le principe même des soins ambulatoires sans consentement n'est pas acceptable, il va sans dire que sans contrôle direct du juge et telle qu'elle est présentée, imposée par protocole et jusqu'à l'intérieur du domicile, cette forme de soins constitue une extension inadmissible du contrôle étatique des populations par une instrumentalisation de la psychiatrie".
Avec pour finalité de donner la priorité au contrôle de l'ordre public face aux garanties des libertés et à l'opportunité des soins, poursuivent en substance les signataires, qui juge que "l'équilibre entre le bien-fondé de l'intervention thérapeutique et les droits des personnes est rompu".
Et les organisations syndicales de réclamer, enfin, "l'ouverture immédiate de concertations avec l'ensemble des acteurs concernés et que soit enfin programmé le projet d'une grande loi sanitaire 'psychiatrie et santé mentale' dont notre pays, la discipline et les usagers ont à l'évidence un besoin criant, et dans laquelle les soins sans consentement trouveraient harmonieusement leur place et leur utilité strictement thérapeutique".
Les organisations signataires de cet appel sont :
- l'Intersyndicale des psychiatres publics, composée de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (IDDEP) et du Syndicat des psychiatre des hôpitaux (SPH) ;
- le Syndicat des psychiatres d'exercice public (SPEP) ;
- l'Union syndicale de la psychiatrie ;
- le Comité d'action syndical de la psychiatrie ;
- le Syndicat des psychiatres français ;
- le Syndicat national des psychiatres privés ;
- l'Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature (SM).
A.S.