Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la justice, a remis son rapport sur la prévention de la délinquance juvénile mercredi 3 novembre au président de la République.
Elaboré à l'issue d'une mission de trois mois, ce rapport, sobrement intitulé La prévention de la délinquance des jeunes, déroule 15 propositions articulées autour de trois dimensions : le soutien à la parentalité, la restauration de la citoyenneté et la reconquête de l'espace public.
Après un hommage appuyé à l'action et aux discours de Nicolas Sarkozy (période ministre de l'Intérieur et président) ainsi qu'une référence à Tony Blair ("Dur avec la délinquance, dur avec ses causes"), Jean-Marie Bockel pointe les trois champs principaux dans lesquels se déroulent majoritairement les faits de délinquance juvénile : au sein de la famille, à l'école et sur la voie publique.
Pour une politique de la responsabilité parentale
S'agissant du soutien à la parentalité, Jean-Marie Bockel décrit des parents "souvent dépassés ou démunis face aux comportements de leurs enfants mineurs, [et qui] assument de manière moins évidente qu’autrefois leur rôle d’autorité".
Pour le secrétaire d'Etat à la justice il apparaît nécessaire de "construire une politique publique de la responsabilité parentale", pour laquelle il propose principalement de s'appuyer sur des dispositifs déjà existants (écoles des parents, conseils des droits et devoirs des familles - CDDF, contrat de responsabilité parentale...) mais en les généralisant ou en les modifiant à travers une méthodologie "plus stricte et mieux encadrée" et "des objectifs de fond mieux définis" en ce qui concerne par exemple les stages parentaux, légalisés par la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance.
Programme de coaching parental
Afin de "renforcer les parents dans leur capacité parentale et éducative", le rapport préconise de mettre en place un programme national de "coaching parental" s'inspirant du modèle australien, dont la mise en oeuvre pourrait être confiée aux réseaux d'écoute d'appui et d'accompagnement des parents (REAAP) (proposition n° 1).
Introduit par un discours légèrement moralisateur sur l'autorité paternelle défaillante et des raccourcis entre niveau de délinquance et forte présence de familles monoparentales dans certains quartiers, Jean-Marie Bockel estime par ailleurs qu'il "faut réintégrer les pères dans leurs responsabilités dans l’ensemble des prises en charge scolaires, sanitaires, éducatives ou sociales". Il relance également le débat sur la création d'un statut du beau-parent, idée lancée en 2009 par... Nicolas Sarkozy.
Réintroduire le travail social à l'école
Pendant du soutien à la parentalité selon le rapport : la pénalisation de l'irresponsabilité parentale. Il entend ainsi "créer les conditions d’une politique pénale des manquements volontaires à l’exercice de l’autorité parentale" en facilitant le recours aux poursuites pénales pour les parents "défaillants" (proposition n° 6).
Au chapitre de la restauration de la citoyenneté, l'action de l'Etat doit se concentrer sur trois problématiques majeures : la lutte contre l'absentéisme et le décrochage scolaires, la lutte contre les violences scolaires, et la nécessité de réintroduire le travail social à l'école. Pour le premier axe le rapport prend appui sur des "dispositifs opérationnels et partenariaux de proximité qui mériteraient d’être systématisés" à l'image du dispositif du "fil continu" pour les élèves décrocheurs à Pierrefitte-sur-Seine (93) ou du dispositif de poursuite de solarisation de Meaux (77).
Le dépistage précoce remis au goût du jour
Concernant la présence des travailleurs sociaux dans les établissements scolaires, celle-ci est jugée comme "une nécessité" tandis que le rapport prône en parallèle une réforme du service de santé scolaire qui s'articulerait autour de deux axes majeurs : l’élévation du seuil de compétence de la PMI de 6 à 12 ans et la création d’un réseau partenarial réunissant éducation nationale, centres médico psycho-pédagogiques et services de psychiatrie infantojuvénile.
L'occasion de remettre au goût du jour le principe controversé de dépistage précoce des troubles du comportement en proposant la mise en place d'un "repérage précoce des enfants en souffrance".
Enfin, dans le but de "reconquérir la citoyenneté dans les quartiers en difficulté", le rapport plaide pour un état des lieux "sans complaisance" en faisant abondamment référence aux travaux du sociologue Hugues Lagrange, auteur de l'ouvrage Le déni des cultures, qui a suscité la polémique.
Cibler les bandes de filles
Le rapport aborde évidemment le phénomène des bandes, passage obligé dès que l'on évoque la délinquance des mineurs, en préconisant de "concevoir et mettre en oeuvre une politique de prévention et d’action spécifiquement ciblée sur les bandes de filles". Une proposition qui relève plus de l'effet d'annonce en réponse à la récente médiatisation de la hausse de la délinquance des filles, une "tendance lourde" relevée par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales qui a récemment publié une étude sur ce sujet.
D'autres propositions ont trait à la place de l'institution judiciaire, le rapport recommandant d'"inscrire le juge des enfants comme membre à part entière du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD)", mais aussi de "mieux garantir la cohérence et la célérité de la réponse pénale sur l’ensemble du territoire". Le rapport propose aussi de créer dans les écoles de police un module de formation centré sur la connaissance des mineurs et des acteurs de la prévention.
Enfin, il faut attendre la treizième proposition pour avoir une référence à la prévention spécialisée et au métier d'éducateur de rue qu'il "faut faire revenir dans l'espace public" dans un objectif de "reconquête des territoires".
La prévention de la délinquance des jeunes, rapport de Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la justice, novembre 2010.
E.C.