Les jeunes filles seraient-elles de plus en plus violentes ? C'est ce que semble indiquer une analyse que vient de publier l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), toutefois relativisée par certains observateurs tels que le sociologue Laurent Muchielli.
Cette étude thématique révèle en effet qu'en 2009, 15,5 % des mineurs mis en cause pour des crimes et délits non routiers étaient des filles, alors que cette proportion n'est que de 2,8 % dans l'ensemble des mis en cause, majeurs et mineurs.
Mises en cause pour des atteintes aux biens
Depuis 1996, la part des jeunes filles dans le nombre total de mineurs mis en cause n'a cessé de croître (+ 6,8 % en moyenne par an), cette hausse atteignant + 10,7 % entre 2008 et 2009. "On notera également que de 1996 à 2009, hors 2004-2005, la variation annuelle du nombre de filles mises en cause a toujours été supérieure à celle des garçons avec, pour certaines années, des écarts de près du double", souligne l'ONDRP.
Les filles sont majoritairement interpellées pour des atteintes aux biens (55 % en 2009), tandis que 23 % ont été mises en cause pour "atteintes volontaires à l'intégrité physique, hors vol violent" et 20,1 % pour "violences physiques non crapuleuses". Cette dernière catégorie distingue plusieurs infractions en fonction des victimes : les coups et blessures volontaires non mortels sur personne de 15 ans et plus (15,8 % des mineures mises en cause), les violences, mauvais traitements et abandons d'enfants (3,2 %) et, enfin, les violences à dépositaires de l'autorité (1 %).
Progression des violences et vols
Tendance significative relevée par l'ONDRP : de 2004 à 2009, le nombre de filles mises en cause pour violences et vols a progressé de 83,7 % (contre 46,4 % chez les garçons). Sur la même période, le nombre de mineures coupables de violences non crapuleuses a, lui, doublé.
Les atteintes aux biens ont, quant à elles, augmenté de 28,2 % chez les jeunes filles sur les cinq dernières années, contre + 4,5 % chez leurs homologues masculins.
"L’augmentation de 16,8 % du nombre de filles mises en cause pour atteintes aux biens entre 2008 et 2009 a largement pesé sur la tendance à cinq ans", relève à ce propos l'ONDRP, qui observe un phénomène similaire s'agissant des vols avec violence. Ainsi, la hausse de 285 mises en cause sur cinq ans est en fait due à plus de 90 % à celle intervenue entre 2008 et 2009, où l'ONDRP a recensé 267 jeunes filles supplémentaires mises en cause pour ce type d'infraction.
Des statistiques à relativiser
Ces progressions pour le moins inquiétantes sont cependant à relativiser selon certains sociologues, à l'image de Laurent Mucchielli, directeur de recherches au CNRS, spécialiste des questions de sécurité et de justice, qui rappelle sur son blog (hébergé par Rue89) que "l'intégralité des chiffres qui sont ainsi jetés en pâture aux médias et à l'opinion publique sont issus de la statistique de police, et que [celle-ci] n'est pas un sondage permanent sur l'état réel de la délinquance en France, mais un enregistrement des procès verbaux dressés par les fonctionnaires".
Le sociologue souligne ainsi un "décalage entre la réalité et le traitement institutionnel" et pointe les modifications récurrentes du droit pénal intervenues ces dernières années, qui tendent à élargir la définition des infractions, à ajouter des circonstances aggravantes, etc.
Avant de signaler que le sens juridique du mot "violence" (ou "coups et blessures") n'est plus le même aujourd'hui qu'il y a 20 ans. "Au final, les filles sont-elles vraiment plus violentes aujourd'hui qu'hier ? C'est douteux", conclut Laurent Mucchielli.
"Les mineures mises en cause pour crimes et délits non routiers en 2009", Repères n° 13, ONDRP, septembre 2010.
E.C.
