Mis à part les effets liés à leur appartenance sociale (origine migratoire, catégorie socioprofessionnelle des parents…), les jeunes résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) font face à des difficultés spécifiques une fois leur bac en poche. C’est ce que révèle une étude menée en collaboration par le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) et l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Réalisée d’avril à juillet 2016 auprès de 19 500 jeunes sortis du système éducatif en 2013, cette vaste enquête montre que l’« effet quartier » peut se manifester par différents indices.
Avis de parution| Que deviennent les jeunes des quartiers prioritaires de la ville après leur bac ? Bref 391 de Thomas COUPPIE, Mélanie VIGNALE et Pascal DIEUSAERT. A lire dès maintenant https://t.co/9Iqa0K3Bv6 pic.twitter.com/dGE4G1Eb5V
— Céreq (@PRESSECEREQ) June 4, 2020
Les auteurs de l’étude pointent, entre autres, des affectations dans des établissements scolaires accueillant des publics défavorisés, des manquements dans l’acquisition d’informations lors du parcours post-bac et des pratiques « empreintes de préjugés » au cours des phases d’orientation, puis sur le marché du travail.
Des difficultés à aller au-delà de bac+2
Tous ces facteurs jouent un rôle dans les « écarts quasi systémiques » constatés entre les parcours des jeunes habitant des QPV et ceux issus d’autres quartiers des mêmes agglomérations. Ainsi, à caractéristiques similaires d’appartenance sociale, les sondés qui résident en quartier prioritaire postulent moins souvent aux filières les plus élitistes (IUT, écoles d’ingénieurs, de commerce, d’art…) et davantage aux formations de proximité ou universitaires.
Ils ont par ailleurs moins de chances que les autres de dépasser un niveau bac+2. Beaucoup affirment en effet avoir été contraints financièrement d’arrêter leurs études (35 %, contre 23 %), avoir fait face à un refus de la formation souhaitée (12 %, contre 10 %) ou ne pas avoir trouvé la formation visée à côté de chez eux (12 %, contre 7 %).
Autre constat de l’enquête : les jeunes des quartiers prioritaires sont plus nombreux à intégrer une filière professionnelle au lycée (38 %, contre 23 % pour les lycéens des quartiers voisins). Mais, paradoxalement, les titulaires d'un bac professionnel poursuivent davantage leurs études une fois diplômés lorsqu'ils sont issus des QPV (40 % contre 33 %), alors que ce n’est pas le cas pour les bacheliers généraux ou technologiques. Cela pourrait en partie s’expliquer par un désir de se réorienter après avoir été davantage contraints que les autres à se diriger vers des cursus professionnels, ou encore par une envie d’ascension sociale, rapportent le Céreq et l’ANCT.
Des emplois moins qualifiés
De façon générale, l’insertion sur le marché du travail est plus compliquée pour les bacheliers des QPV : 37 % d’entre eux n’ont pas d’emploi trois ans après leur formation, quand les autres bacheliers ne sont que 22 %. Des disparités apparaissent également concernant la nature du travail effectué. A peine plus de la moitié des sondés des quartiers prioritaires (53 %) qui occupent un poste deviennent cadres ou professions intermédiaires (contre 63 %) et 45 % sont recrutés comme employés ou ouvriers (contre 35 %).
Ces écarts ne s’expliquent pas uniquement par les différences de parcours scolaires entre les jeunes. Avec des profils semblables, les bacheliers des QPV ont toujours 1,3 fois moins de chances de trouver un emploi trois ans après être sortis de formation et 1,2 fois moins de chances d’occuper un poste de cadre ou de profession intermédiaire. Ce qui tendrait à justifier le fait que plus d’un tiers d’entre eux, occupant un emploi salarié, se disent utilisés en dessous de leur niveau de compétence.